Bâtiment et travaux publics (BTP)

Revivez le tchat : "Apprendre
un métier manuel avec
les Compagnons des Devoirs"

Date de publication : 20 juin 2019

Jonathan, Compagnon charpentier des Devoirs unis et formateur a répondu à toutes vos questions le 19 juin. Revivez le tchat.

Jonathan Proudowsky, Compagnon charpentier et formateur à la Fédération compagnonnique de Paris Île-de-France
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Soyez vigilants sur la date de publication de la retranscription du tchat qui correspond au jour du témoignage de l'invité(e). Certaines formations ou diplômes peuvent avoir évolué au gré des réformes. N'hésitez pas à utiliser notre moteur de recherche pour connaître les formations qui mènent à ce métier et les modes d’admission actuels. 

Le Modérateur : Bonjour et bienvenue à ce tchat sur l'apprentissage d'un métier avec les Compagnons des Devoirs unis. Jonathan Proudowsky, compagnon charpentier et formateur à la Fédération compagnonnique de Paris Île-de-France, vient de terminer son tour de France. Il se tient prêt à répondre à toutes vos questions sur les Compagnons, son métier, sa formation.
Bon tchat ! 

Jonathan Proudowsky : Bienvenue à toutes et à tous, je suis à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous vous posez sur les compagnons. 

Pauline : Bonjour, j'ai vu qu'il y avait plusieurs "unions" de compagnonnage : les Compagnons du devoir, les Compagnons du tour de France des devoirs unis, la fédération compagnonnique. Quelle est la différence entre elles ? Laquelle avez-vous suivie ? 

Max : Comment faire pour entrer à l’Union compagnonnique ? Et quels sont les critères ? 

Jonathan Proudowsky : En fait, il y a 3 mouvements principaux qui organisent le tour de France : l'Association ouvrière (Compagnons du devoir), la Fédération compagnonnique et l'Union compagnonnique. Seules l'Association et la Fédération proposent des formations type CAP et BP dans des CFA.

Je suis issu de la Fédération compagnonnique. J'ai commencé par un CAP de charpente dans un CFA de la Fédération, puis je suis parti sur le tour de France.
Je suis maintenant compagnon charpentier au sein de la Fédération compagnonnique.

Une distinction doit être faite entre l'activité du tour de France, qui est vraiment à part, et la formation qu'on peut suivre dans les CFA. Une personne qui suit une formation dans un CFA ne sera pas compagnon. 

Oliv'33 : Est-ce qu'il y a un test d'entrée chez les Compagnons ? 

jo1127 : Quels sont les niveaux d’études requis pour se former chez les Compagnons du devoir et du tour de France ? Est-ce identique pour les trois types de formation (prépa tour de France, prépa métier, apprentissage) ? 

Jonathan Proudowsky : Pour intégrer un CFA de la Fédération compagnonnique, il faut juste passer un test d'entrée, lors duquel on évalue aussi la motivation du candidat. En revanche, pour intégrer le tour de France, il faut avoir un CAP dans la discipline concernée. 

Martin22 : Est-on obligé de faire le Tour de France et combien de temps il peut durer ? 

Jonathan Proudowsky : On n'est pas obligé de faire le tour de France pour se former en tant que charpentier. On peut suivre toutes les formations standard, du CAP à la Licence, en passant par le BTS et le BP, dans des CFA.

Concernant le tour, si on décide de partir, il faut compter à peu près 5 ou 6 ans. Au bout de 2 ans, on devient aspirant ; 2 ans après (environ), on devient compagnon ; ensuite, on va retransmettre les connaissances acquises pendant 2 ans aux jeunes. La retransmission se fait le soir et en cours du samedi. 

Utilisateur9 : Qu’est-ce qui vous attire le plus dans cette formation / métier et dans le fait d’être / d’avoir été compagnon ? 

Jonathan Proudowsky : Dans le fait d'être compagnon, c'est un enrichissement humain très important, très fort. Dans mon métier de formateur, ce qui est intéressant, c'est de voir la réussite des jeunes. On n'est plus en train de réfléchir à l’accomplissement d’un chantier, mais à la réussite des jeunes. C'est très valorisant.

Concernant le métier de charpentier, j'étais intéressé par le travail du bois, en extérieur, en équipe, et je voulais être capable de pouvoir construire une maison de A à Z. À part l'électricité et la plomberie, j'arriverais maintenant à tout faire. Je suis aussi intéressé par les procédés écologiques : la chaux, la maison ossature bois... 

Lola : Quels diplômes sont préparés chez les Compagnons ? 

Jonathan Proudowsky : CAP, BP, BTS et Licence pro. 

Math : Quelles sont les qualités et compétences nécessaires pour exercer votre métier ? 

Jonathan Proudowsky : Déjà, il faut aimer son métier. Il faut aussi être assez méticuleux, pour pouvoir, par exemple, implanter des chantiers ou faire des assemblages propres. Il faut aimer avoir une vision assez large du chantier et travailler en extérieur, sans avoir peur d'un peu de vent ou de soleil.

Pour être charpentier, il faut aussi avoir une très bonne vision dans l'espace. Même si ça s'apprend, avoir cette qualité est important. La pratique d’un sport facilite, car cela reste un travail manuel et physique. 

Utilisateur9 : Est-ce que vous avez construit votre maison vous-même ? 

Jonathan Proudowsky : Non, je n'ai pas encore eu cette chance… surtout à Paris !
En revanche, j'ai fait des plans pour des amis, et j'ai déjà construit des maisons de la dalle à la charpente. 

John : Qu'est-ce qui vous a attiré dans votre métier ? Pourquoi charpentier ? Passionné par le bois ? Pourquoi pas un autre matériau ? 

Jonathan Proudowsky : Ce qui m'a attiré dans le métier de charpentier, c'est d'être capable d'être autonome dans mon travail. Ensuite, c’est d'avoir quelque chose de concret et de voir le résultat de mon travail.

On ne ressent pas ce sentiment d'accomplissement lorsqu’on remplit des dossiers, par exemple (comme ma formation initiale, Masters I et II en économie, m'y destinait a priori).

Ce que j'adore dans ce métier, c'est faire mon chantier, le faire proprement, et me retourner une fois qu'il est terminé pour contempler ce que j'ai fait : c'est très gratifiant.

Pourquoi le bois ? D'abord, c'est une matière qu'on peut travailler facilement. On peut pratiquement tout faire : le couper, le plier, le coller… Il sert à tout : maisons, meubles, charrettes, caravanes… On peut faire énormément de choses avec le bois, comme isoler des maisons... On aura toujours besoin du bois ! 

Syl : Bonjour, le bois est un métier d'avenir, non ? On voit de plus en plus de maisons en bois. Merci 

Jonathan Proudowsky : Tout à fait, les maisons à ossature bois sont en pleine expansion depuis une quinzaine d'années. 

Kevin14 : Est-ce que construire la charpente des bateaux est le même métier que construire la charpente des maisons ? 

Jonathan Proudowsky : Non. C'est un peu dans la même continuité (travail du bois), mais il y a des techniques vraiment différentes. La formation qu'il faut faire pour travailler dans les charpentes pour bateaux, c'est la charpente marine. Mais un charpentier est tout à fait capable de travailler dans la charpente marine. 

Jol : Je suis intéressé par le métier et je veux savoir si on utilise beaucoup le numérique, les nouvelles technologies…

Jonathan Proudowsky : Oui, on les utilise de plus en plus, par exemple on est maintenant capable de dessiner des charpentes et des maisons par CAO/DAO (conception/dessin assisté par ordinateur).

Pour tailler la charpente, on va utiliser les machines de taille à commande numérique. On a de plus en plus besoin de charpentiers qui utilisent ces méthodes numériques. 

Kevin14 : Et donc on peut devenir charpentier marine chez les Compagnons ? 

Jonathan Proudowsky : Rien n'empêche de devenir compagnon charpentier et de se spécialiser dans la charpente marine, mais ce sera après le tour de France. 

Syl : Alors il y a du travail dans le secteur, ça vaut le coup de se former ?

Jonathan Proudowsky : En tout cas, sur Paris, on recherche énormément, en particulier, des chefs d'équipe charpentiers compétents. 

Syl : Et en province ? 

Jonathan Proudowsky : Oui. En plus, on est dans une conjecture économique plutôt favorable en ce moment. 

Tina : Pensez-vous que les jeunes que vous formez sont plus motivés que dans une formation plus « classique » ? 

Jonathan Proudowsky : Les jeunes qui sont sur le tour de France sont motivés et passionnés par leur métier. Mais dans le cadre de mon travail, je côtoie des apprenants "classiques", qui sont tout aussi motivés et passionnés. 

Solal75 : Et concrètement ça se passe comment un tour de France ? On va étudier dans plusieurs CFA ? On travaille dans plusieurs entreprises ? 

Jonathan Proudowsky : Pour débuter un tour de France, il faut d'abord obtenir un CAP. Une fois qu'on a le CAP, on peut décider de partir sur le tour. Tous les ans, on va changer de ville et d'embauche, pour apprendre des techniques différentes. Par exemple, dans mon cas, j'ai fait 5 entreprises différentes, dans des régions totalement différentes. 

ET-maison : Comment on est logé pendant le tour de France ? C'est nous qui devons trouver notre logement ou bien on nous aide ? 

Jonathan Proudowsky : Pour information, une fois qu'on commence le tour de France et qu'on arrive dans sa première ville, on nous trouve directement une entreprise, en CDI ou CDD, et un logement (par exemple sur Paris on est autour de 300 euros). On n'a à s'occuper de rien d'autre que de travailler. 

Utilisateur9_1 : À quoi ressemblerait une journée ou une année type sur le tour de France ? 

Jonathan Proudowsky : Le jeune qui est sur le tour de France travaille dans une entreprise 35 ou 40 heures par semaine, selon l'entreprise. Une fois qu'il rentre chez lui, il dîne, puis de 20h à 22h, il suit des cours du soir, dans des domaines spécifiques à son métier. Ensuite, un samedi sur deux, il va se former sur des techniques particulières, encadré par les compagnons.

En plus de cela, il aura une maquette à effectuer, à échelle réduite, de septembre à mars, qui nécessite à peu près 300 ou 400 heures de travail, sur son temps libre. 

Utilisateur30 : Est-ce qu'il y a un âge limite pour entrer chez les Compagnons ? 

Jonathan Proudowsky : À la Fédération compagnonnique, il n'y a pas d'âge limite. 

Sacha : Est-ce que la formation est ouverte aux femmes ?  

Jonathan Proudowsky : Oui, même si dans la pratique les hommes restent très majoritaires. 

Enzo77 : Est-ce qu'on est payé pendant le tour ? Si oui combien ? 

mimimaya : Comment on gagne sa vie pendant le tour de France ? 

Jonathan Proudowsky : Pendant le tour, on a un contrat de travail normal. Quand on débute en tant que charpentier, on touche environ 1 400 euros net, puis jusqu'à 2 500 euros net en fin de tour. 

Sophy86 : Quels autres métiers peut-on préparer avec les Compagnons du devoir ? 

Jonathan Proudowsky : Charpentier, menuisier, ébéniste, plombier, couvreur, staffeur, tailleur de pierre, boulanger-pâtissier, maçon, peintre. Pour le métier de staffeur, je vous renvoie à la fiche métier sur le site de l'Onisep : http://www.onisep.fr/Ressources/Univers-Metier/Metiers/staffeur-ornemaniste-staffeuse-ornemaniste

Et j'ai oublié : il y a aussi la construction bois.

Bob the sponge : Est-ce qu'il y a des valeurs particulières chez les Compagnons : des droits, des devoirs, des principes ? Comment savoir si on est fait pour ça ?  

Jonathan Proudowsky : La valeur particulière, je dirais que c'est avant tout l'entraide (on ne m'a jamais refusé une réponse, j'ai toujours été accompagné pour la moindre de mes questions). 

Sandy : Est-ce qu'une formation chez les Compagnons vaut plus sur un CV qu'une formation classique ? 

Jonathan Proudowsky : Ce n'est pas le fait d'être compagnon qui va augmenter la valeur du CV, mais surtout l'expérience qu'on va pouvoir acquérir en l'espace de 5 ans, qui est assez énorme. 

Gaddiel : J'ai envie d'essayer les Compagnons mais je ne suis pas sûr... c'est possible après de changer, de revenir à la voie classique ? 

Jonathan Proudowsky : Quand je suis parti sur le tour de France, je n'étais pas sûr de devenir un jour compagnon. Rien n'empêche d'essayer, de voir si ça nous plaît, et dans le cas contraire, d'arrêter. Il n'y aucun souci, les compagnons ne s'en sentiront pas mal. Si on aime ce qu'on découvre, en revanche, on peut continuer, et peut-être devenir compagnon un jour. 

Alphonse-Léon : C'est quoi le chef-d’œuvre ? C'est obligé ? 

Jonathan Proudowsky : Oui, c'est obligatoire, à part une ou deux exceptions.
Ça permet de devenir compagnon ou aspirant. Ça t'apprend énormément sur le plan personnel, sur toi-même et sur ton métier. Donc, passage obligé ! 

Barbara : Peut-on aller travailler à l'étranger en tant que compagnon ?

Jonathan Proudowsky : C'est tout à fait souhaitable. J'ai moi-même plein d'amis compagnons qui sont en ce moment au Canada, en Inde, et aussi dans les îles. En revanche, c'est une fois qu'on est compagnon qu'il devient plus simple pour nous de voyager, car acquérir un métier et une langue en même temps, c'est un peu compliqué. 

Ego : Est-ce qu'il existe des regroupements ou des concours ou des défis comme dans la restauration ?  

Jonathan Proudowsky : Déjà, il y a le MAF (Meilleur apprenti de France).
D'ailleurs, les corrections nationales vont bientôt avoir lieu pour décerner ce titre.

Il existe aussi le Concours européen, et les Olympiades des métiers, qui sont à un niveau au-dessus du CAP, voire au niveau du BP. 

Samsam : Est-ce que le futur chantier de reconstruction de Notre-Dame intègre des compagnons ? 

Jonathan Proudowsky : Je le souhaite, mais cela va surtout dépendre des appels d'offres et des entreprises qui y répondront. 

Pascal : Est-ce que vous allez travailler sur la reconstruction de Notre-Dame de Paris ? 

Jonathan Proudowsky : Non, je vais rester formateur, car c'est un travail qui me passionne pour le moment. 

Kevin : Et c'est quoi la différence entre charpentier et couvreur ? merci.

Jonathan Proudowsky : Le charpentier travaille le bois et tout ce qui est structurel : murs, charpente. Le couvreur va venir recouvrir la structure que le charpentier a faite avec d'autres matériaux (ardoise, tuiles…). 

Gaddiel : Qu’est-ce qu’une Cayenne ? 

Jonathan Proudowsky : Une cayenne, c'est l'ancien terme utilisé pour désigner le siège des Compagnons dans chaque ville. Il est encore utilisé aujourd'hui par les compagnons. 

Sandy : Est-ce que vous aidez les jeunes à trouver une entreprise ? 

Jonathan Proudowsky : Oui. Dans le CFA, nous avons une personne dédiée à cela. En revanche, dans le tour de France, c'est automatique : pas besoin de chercher. 

Alphonse-Léon : Concrètement, passer par les Compagnons, ça booste forcément la carrière ?  

Jonathan Proudowsky : Je le dis toujours : quand on a fait 5 ans de tour, c'est comme si on avait fait 10 ans de formation. 

Renaud : J'ai entendu parler de prépa tour de France, c'est quoi ? 

Jonathan Proudowsky : Ça n'existe pas, il faut juste avoir un CAP. 

Nanou65 : Est-il possible de devenir charpentier sans être compagnon ? 

Jonathan Proudowsky : Oui, et même très bon charpentier ! Être compagnon facilite, mais ce n'est pas obligatoire. 

Dam's11 : Est-ce que vos études en économie vous servent aujourd'hui dans ce que vous faites ?  

Jonathan Proudowsky : Oui, surtout pour la structure de pensée. Savoir comment structurer une pensée m'est utile tous les jours. 

math : Pensez-vous qu'il soit intéressant de continuer à se former hors de France ? 

Jonathan Proudowsky : Oui, ne serait-ce qu'humainement, cela apporte beaucoup. 

Yoyo : Qu'est-ce que vous allez faire les prochaines années ? 

Jonathan Proudowsky : Je me vois bien rester formateur pendant encore 2 ou 3 ans. 

Utilisateur42 : Tu es à l'Assoss, l'Union ou la Fédé?

Jonathan Proudowsky : Je suis à la Fédération compagnonnique, formateur à Saint-Thibault-des-Vignes. 

Le Modérateur : Le tchat se termine. Jonathan, un dernier mot ? 

Jonathan Proudowsky : Merci à tous de votre participation. Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à passer à la Fédération compagnonnique : 2 rue Guermantes à Saint-Thibault-des-Vignes. Ou encore au siège des compagnons charpentiers, 161 avenue Jean Jaurès, Paris 19e. Consultez aussi le site de la Fédération : http://compagnonsdutourdefrance.org/
Merci encore et bonne fin de journée à tous ! 

Le Modérateur : Merci à toutes et à tous pour vos questions.
Et merci à Jonathan pour ses réponses.
Bon après-midi ! 


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