Situation de handicap : témoignages de professionnels

Théo Curin, nageur handisport
aux multiples facettes

Publication : 9 juin 2023

Après avoir contracté une méningite fulgurante à 6 ans, Théo a perdu ses 4 membres. Cela ne l’a pas empêché de devenir un nageur handisport de haut niveau et un auto-entrepreneur aux multiples facettes : conférencier, chroniqueur, mannequin et acteur. Tout cela, avec le sourire. Presque toujours.

Théo Curin : " On a tous quelque chose d'inspirant "

Plonger dans le grand bain

S’il a dû redoubler le CP après sa maladie et les amputations, Théo a retrouvé les bancs de l’école traditionnelle dès le CE1. Plus tard, il s’est tourné vers un bac ST2S passé en 2 ans pour lui permettre de mener en parallèle sa carrière d’athlète de haut niveau car la diététique semblait l’intéresser. Un stage l’en aura finalement éloigné. Il décrochera son bac à 19 ans.

Phobique de l’eau à ses débuts et se décrivant comme un "cachalot échoué sur la plage"1, sa rencontre avec Philippe Croizon, un autre nageur amputé des 4 membres a été déterminante, au-delà de ses capacités physiques et mentales. Cela lui a donné le goût de l’eau, du sport et de l’effort en gommant sa différence : "J’ai les mêmes sensations que les valides. Je me déplace et je flotte comme tout le monde"2.

Premiers cours individuels puis collectifs, premières compétitions puis grandes. Théo a déployé ses ailes et son talent de manière éblouissante. Les performances sportives se sont succédé : championnats du monde, Jeux Paralympiques, half-ironman, défis extrêmes (la traversée du Lac Titicaca et la Santa Fé Marathon aquatique de 57 km). Il a ainsi attiré l’œil des médias, de marques et du grand public. Depuis, tout s’est accéléré pour lui.

Son parcours scolaire et professionnel

Après son bac, il a préféré apprendre de manière autodidacte plutôt que de poursuivre ses études. "Pour moi l’école de la vie est une des meilleures écoles. Les personnes avec qui je travaille le savent et c’est aussi leur objectif que de m’épauler. C’est passionnant pour moi et gratifiant aussi pour eux de transmettre leur savoir-faire à un jeune qui a envie de bien faire et de progresser. Je suis très reconnaissant et chanceux de faire ce que j’aime. Le métier d’animateur m’intéresse particulièrement : le fait de tenir un projet, d’incarner quelque chose, des valeurs. Le métier d’acteur également même si c‘est un risque car je suis novice." Il vit aujourd’hui de ses passions, aussi multiples soient-elles. "Je ne saurai pas dire le vrai métier que je fais aujourd’hui car je n’en ai pas qu’un. J’ai mon entreprise et avec mes différentes casquettes, je gagne ma vie en faisant des conférences, des chroniques radio et télé, via les contrats que j’ai en tant qu’ambassadeur avec des marques et différentes missions sur des événements, comme récemment, l’animation de la cérémonie d’ouverture des Abilympics (olympiades des métiers dédiées aussi aux personnes en situation de handicap qui permettent de promouvoir et évaluer les compétences professionnelles)."

"Faire de ma différence une force"

C’est l’un des messages qu’il souhaite véhiculer dans son autobiographie3. "L’idée était que cela touche tous les gens, que cela puisse éventuellement les remettre en question mais sans donner de leçon. Il peut vous arriver n’importe quoi, on a tous la capacité de rebondir. Si j’ai réussi, vous aussi. Je ne suis pas un super-héros : quand tu n’as pas le choix, tu te bats et trouves des ressources insoupçonnées en toi." De son histoire, Théo souhaite aussi souligner le rôle de l’entourage et rendre hommage à tous ceux qui l’ont aidé et accompagné : parents, sœur, grands-parents, amis, infirmière, aide-soignant, entraîneur, etc. Car sa traversée n’a jamais été solitaire et se nourrit de toutes ces rencontres, de moments de vie aussi simples qu’un aller-retour en balançoire, un baiser à l’école ou de pâtes bolognaises ! "Malgré tout ce qui s’est passé et va se passer, il y a un milliard de choses à vivre. En s’entourant, en croyant très fort en nos projets et nos rêves, on peut surmonter tout cela. Il suffit juste d’y croire. Je suis comme tout le monde, parfois cela ne va pas et mon handicap peut vraiment m’énerver : douleur, inconfort… mais je suis là, je peux passer du temps avec mes proches, je peux prendre ma copine dans mes bras, voir mes parents le week-end. Je me raccroche aux priorités quand je vais un peu moins bien." À ce quotidien se sont ajoutées les exigences d’un sportif de haut niveau : préparation, stress d’avant compétition, douleurs et difficultés multiples et variées mais aussi de grandes victoires : sur lui, la maladie et le monde qui l’entoure.

Évoluer dans une société en mutation

Enthousiaste, Théo porte un regard positif et bienveillant sur son environnement en prenant conscience que les mentalités évoluent peu à peu. "Je pense que les choses sont réellement en train de changer même si c’est un sujet délicat et qu’il reste encore beaucoup de préjugés. Mais la question de la différence au sens large est davantage évoquée aujourd’hui et c’est bien. On le voit vraiment dans divers domaines : sport, monde professionnel, orientation sexuelle etc. On est sur la bonne voie !"

"Il y a beaucoup plus de gens inspirants qu’on ne l’imagine"

Lorsqu’on lui demande de citer ses modèles, il répond humblement : "Pour moi, il n’y a pas besoin d’avoir traversé le Titicaca ou de faire je ne sais quoi pour inspirer les gens. Mon modèle était par exemple mon grand-père ou les gens qui travaillent très dur pour arriver à nourrir leurs enfants, qui font des sacrifices. On me cite souvent Mike Horn ou Thomas Pesquet mais j’ai juste envie de dire "regardez autour de nous". Il y a beaucoup plus de gens inspirants qu’on ne l’imagine. Parlez-en autour de vous et vous verrez. Je raconte souvent cette anecdote : j’étais dans un taxi à Paris et je discutais avec le chauffeur qui me racontait qu’il cumulait trois boulots pour s’occuper de ses trois enfants et de sa femme malade. Il m’a touché, je me suis dit "waouh, ça c’est courageux !"".

Et demain ?

S’il a conscience que tout est éphémère, Théo savoure ce qu’il a aujourd’hui et veut poursuivre ses activités, ses divers projets et défis. "J’ai envie de continuer à progresser dans ces différents domaines et souhaite aussi gravir les échelons petit à petit pour atteindre mes objectifs, poursuivre mon petit bonhomme de chemin en touchant un peu à tout". Si cela devait néanmoins s’arrêter, "il faudrait me tourner vers de nouveaux projets et éventuellement reprendre des études".

 

1 p.85 de son autobiographie : La chance de ma vie, J’ai fait de ma différence une force, Théo Curin, Flammarion, mars 2022

2 p.90 de son autobiographie

3 Sous-titre de son autobiographie

Palmarès sportif

À 13 ans, Théo Curin participe à ses premiers championnats de France de natation, à 16 ans, en 2016, aux Jeux paralympiques de Rio. Aux championnats du monde de 2017 et 2019, il est double médaillé d’argent sur le 100 m et le 200 m nage libre et en 2019, il remporte le bronze sur le 200 m nage libre. En 2020, il devient finisher du Half Ironman des Sables-d’Olonne, devenant ainsi le premier athlète quadri-amputé à terminer cette course. En 2021, c’est avec deux autres nageurs, Malia Metella et Matthieu Witvoet, qu’il se lance dans la traversée du lac Titicaca à la nage, en totale autonomie, dans une eau à 12° C, à 3 800 m d’altitude. Un an plus tard, il devient le premier athlète handisport à effectuer l’un des trois marathons aquatiques les plus difficiles au monde, celui de Coronda, en Argentine (57 km).

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